Une conférence de consensus du CNESCO sur l’écriture ? Pas exactement… par Dominique Bucheton et Viviane Youx


Non, la production de l’écrit, ce n’est pas l’écriture !

Quand « l’écriture » redevient de la « production de l’écrit »…

 

Une information publiée dans l’Expresso du 22 septembre avait retenu notre attention : « Participez à la prochaine conférence de consensus du Cnesco sur l’écriture » qui aura lieu les 14 et 15 mars. Mais, vérification faite, le titre de la conférence proposée n’est pas exactement celui-ci, et la différence est de taille !
 

Intitulée « Production de l’écrit », la conférence de consensus adopte d’emblée un point de vue biaisé, et nous ne pensions pas, après le travail considérable qui a été fait dans les programmes de français des cycles 1 à 4, voir réapparaitre cette terminologie. Même le programme des classes de seconde et première de 2010 ne parlait pas de production d’écrit, mais d’écriture, sous différentes formes !
 

Présidée par deux spécialistes de l’orthographe, Catherine Brissaud et Michel Fayol (spécialiste de psychologie sociale et cognitive), cette conférence semble à nouveau réduire l’écriture à la « production de textes » et aux difficultés des enseignants à faire transférer à l’écrit des règles de grammaire et d’orthographe. Et elle nous fait craindre un retour fâcheux à une conception de l’écriture comme simple mise en œuvre de compétences orthographiques, grammaticales ou textuelles. On connait l’échec de ces pratiques, notamment pour les élèves les plus en difficulté. 
 

Comme si écrire consistait seulement à mettre à l’écrit des idées clairement préconçues dans la tête ! La recherche a montré les erreurs de cette conception : c’est en écrivant que les idées s’élaborent ; écrire est un processus d’élaboration de la pensée. Ce ne sont pas des « techniques d’écriture » qui s’appliqueraient méthodiquement, et ce n’est pas la même chose de parler des « usages de l’écrit », préexistants à toute activité des élèves, et des usages de l’écriture que les élèves apprennent en écrivant. Usages de l’écriture dans lesquels s’inscrivent, bien évidemment, les compétences orthographiques, lexicales, syntaxiques.
 

Mais nous pensions qu’étaient maintenant acquises les données de la recherche qui, dans les derniers programmes, font de l’écriture un outil pour penser, apprendre et se construire. Développer la dimension réflexive de l’écriture, faire advenir l’élève – sujet-écrivant – comme auteur de sa pensée singulière et d’une pensée critique s’appuie sur des principes didactiques. Soit on se représente l’écriture comme une production appliquant des techniques et des règles, soit on insiste sur le processus mis en place qui permet aux élèves, en écrivant beaucoup, souvent, sous des formes variées, dans toutes les disciplines et dans des tâches d’écriture complexes, d’élaborer, comme sujets-écrivant, leur pensée et leur être au monde. Les principes didactiques en sont clairement différents.
 

Et nous trouvons particulièrement navrant qu’une conférence de consensus biaise d’emblée un sujet aussi important. Non, la production de l’écrit, ce n’est pas l’écriture !

 

Dominique Bucheton et Viviane Youx, vice-présidente et présidente de l’AFEF

Soumis par   le 01 Octobre 2017