Un enseignement positif de l'orthographe, Monique Jurado & Viviane Youx


Publié dans le Café Pédagogique du 11 avril 2014

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Pour un enseignement positif de l'orthographe

La dictée serait-elle en train de changer de fonction ? L'orthographe pourrait-elle s'évaluer autrement qu'en retirant des points ?

Le groupe Lettres de l'Inspection Générale avait souhaité, à l'occasion de la réforme des épreuves de français du Diplôme National du Brevet en 2013 (avec notamment un allongement de la dictée), engager une réflexion sur l'évaluation de cette épreuve. Dans  l'académie de Poitiers une expérimentation a eu lieu avec des collégiens en 202-2013 et, en  juin 2013, cette évaluation  a été expérimentée au DNB, sur 1500 copies des séries générale et professionnelle, dans les académies de Poitiers et de Créteil. Le dispositif élaboré pour cette expérimentation, et qui est développé sur le site EDUSCOL, présente un barème graduel d'évaluation positive, fondé sur un rapport entre réussites et erreurs dans différentes catégories d'erreurs orthographiques, précisant les types d'erreurs grammaticales et lexicales.

Certes l'outil, que chacun peut découvrir  grâce au tableur mis à disposition, peut paraitre complexe au premier abord. Et les premiers freins à se saisir de cette démarche pourraient bien venir de là. En effet, les enseignants risquent d'être déroutés par des catégorisations nouvelles des erreurs qu'ils n'ont pas toujours l'habitude de chercher dans les dictées. Et l'expertise que suppose l'analyse de chaque texte dicté pour dégager et catégoriser les difficultés orthographiques risque de susciter des craintes quant à la complexité de l'exercice. Enfin, le système de pourcentage dans les calculs parait compliqué, plus qu'il n'est réellement en fait.

Mais l'enjeu le plus important, derrière cette expérimentation pour l'épreuve du brevet, c'est de faire de cette évaluation positive une démarche d'enseignement positif de l'orthographe. L'intérêt pédagogique est de taille : disqualifier définitivement la terminologie traditionnelle de "faute", et se saisir des erreurs, non plus comme d'un outil de sanction, mais comme d'un support d'enseignement-apprentissage de l'orthographe. Si la dictée a toujours été considérée plus comme un instrument de contrôle que de formation, la notation descendante traditionnellement pratiquée continue de décourager bon nombre d'élèves : les plus faibles réussissent juste à rester à la note plancher, quels que soient leurs efforts, sans jamais être valorisés, ni comprendre comment ils pourraient progresser. La démarche proposée, en cohérence avec les recherches sur l'orthographe, donne à l'évaluation de l'examen un rôle d'indicateur de compétences.

Le but visé n'est en effet pas seulement de modifier le diplôme national du brevet, mais de faire évoluer les pratiques en amont. Dans la mesure où l'examen sert aussi à piloter les stratégies pédagogiques, ce type d’évaluation pourrait permettre de dégager des lignes de force ouvrant à un enseignement raisonné plus en corrélation avec la capacité d’écriture et à comprendre et à construire le sens nécessaire en orthographe. En effet, l'enseignement-apprentissage pourrait en être amélioré en retour, grâce à des démarches qui se structurent autour d'une compréhension du fonctionnement de la langue, et permettent à l’élève de se focaliser sur un seul aspect de son orthographe à un moment donné de son apprentissage. L'erreur prise comme un outil cognitif de repérage et de catégorisation devient un levier d'amélioration pour les élèves qui  affinent leur observation. À condition qu'une pratique accompagnée aide les enseignants à acquérir l'expertise dont ils ont besoin et à expliciter les codes pour les élèves.

Un barème graduel de correction de la dictée

Soumis par   le 03 mai 2014