Que faire des notes ministérielles divulguées en ce début avril ? par Joëlle Thebault


Suite à la publication du Café pédagogique du 9 avril

Que faire des notes ministérielles divulguées en ce début avril ?

 

Par l’intermédiaire du Café pédagogique (Expresso du 9 avril), nous avons pu lire le projet de notes adressées aux cadres de l’Éducation nationale et aux enseignants du premier et du second degré, signées de Mr Blanquer ; V. Youx et D. Bucheton se sont déjà exprimées à leur sujet, et comment ne pas souscrire à leurs critiques ?   

On peut aussi s’interroger sur le statut de ces notes. Peut-être s’agit-il simplement de textes en cours de rédaction et donc en projet ? Même s’ils sont transmis officiellement, sous cette forme ou sous une autre, quelle est exactement leur portée ? On se le demande, tant ce mode de communication (injonction serait plus exact) est inhabituel.  De fait, les programmes et le socle commun restent les seuls textes de référence pour le travail des enseignants. Les notes du MEN y renvoient d’ailleurs explicitement à diverses reprises. 

Que faut-il donc y lire ? Sans doute une volonté de nous imposer des modalités de travail (parfois absurdement détaillées), des contenus précisément quantifiés (nombre d’heures consacrées à la lecture, au travail de la langue, nombre d’ouvrages à faite lire intégralement à chaque étape de la scolarité) et identifiés culturellement (part importante du sacrosaint patrimoine, censé devoir occuper une place de plus en plus grande au fil de la scolarité). C’est bien une affirmation politique, plus démagogique que véritablement pédagogique, une fois encore. Comme d’autres déclarations antérieures, gageons que celle-ci sera diffusée auprès du grand public, avec le talent de communicateur que nous devons reconnaitre au ministre. Le 23 juin 2017, on pouvait ainsi lire à la Une du Parisien : « Le ministre Blanquer va offrir Les Fables de la Fontaine aux élèves de CM2 »… C’est bien sûr l’État qui en faisait les frais, mais l’idée de conseiller ces Fables comme lecture estivale ferait sourire si elle ne reflétait pas la conception de la lecture totalement décalée qui inspire les notes ministérielles. 

Retenons donc les enjeux réaffirmés par ces notes, avec lesquels nous serons forcément en accord... Lecture :  construire le parcours d’un lecteur autonomeet Enseignement de la grammaire et du vocabulaire : un enjeu majeur pour la maîtrise de la langue française.Mais n’oublions surtout ni les programmes, ni les conférences de consensus, que le ministre n’effacera pas d’un trait de plume. S’il ne retient que l’importance de l’automatisation de mécanismes de base et s’il laisse enfin un peu de place àla nécessité d’enseigner la compréhension, n’oublions pas, concernant la lecture et l’écriture (grande absente des notes)la nécessité de travailler simultanément le code et le sens, l’importance de l’explicitation (ou métacognition) et la nécessité de construire didactiquement le lien lecture-écriture[1].

Quant aux élèves, ceux que concernent au premier chef le contenu et les modalités de notre travail, ils ne seront impactés par tout cela que dans la mesure où nous, les enseignants et les formateurs, nous laisserons intimider par ce genre de déclarations. Continuons, au contraire, à être les « pollinisateurs[2]» d’une vision toute autre des élèves et de ce que doit leur faire vivre l’École.  



[1]Bilan de la conférence de consensus sur l’apprentissage du lire-écrire de mars 2016

[2]Terme emprunté à Annabelle Fiévet, article récent de l’expresso sur son travail dans le cadre du dispositif PDMQDC.  

Soumis par   le 11 Avril 2018