Mise en place du Plan français


Mise en place du plan français [2020-2021]

 

Le ministère vient de publier un « plan français [1]». Entendez : un plan pour l’enseignement du français.

S’appuyant sur le fait, que défend l’AFEF depuis sa création, que l’enseignement de la langue est central pour la réussite de tous les élèves puisque c’est, chronologiquement, d’abord le véhicule de toutes les disciplines et ensuite celui de l’insertion dans la vie d’adulte, le ministère a confié à deux inspecteurs généraux le pilotage d’un plan destiné à améliorer les compétences des élèves en commençant par celles des enseignants.

Le plan se construit autour de « constellations »[2], qui sont des regroupements de professeurs des écoles, base de formation par des échanges entre pairs, accompagnés par des conseillers pédagogiques de circonscription (CPC) référents, eux-mêmes recevant une formation spécifique. 

Ce type de démarche était explicitement prévu par la loi du 11 juillet 1989 (dite parfois loi Jospin) et ses décrets d’application. Dans une certaine mesure, il s‘agit d’un retour vers des dispositions qui ont pu être mises en pratique, puis abandonnées faute de soutien institutionnel.

Cette modalité d’« organisation apprenante » est bien connue des spécialistes de la formation professionnelle depuis quelques lustres, et à juste titre car très efficace quand il est bien préparé et accompagné. 

En effet, s’il·elle a été formé·e par la recherche théorique et par les travaux reconnus de chercheurs, l’enseignant·e chargé·e d’organiser les activités d’apprentissage peut savoir comment améliorer le rendu et les acquisitions par les élèves, le déroulement des activités, les modalités d’exécution, en en discutant avec d’autres, avec des collègues confrontés aux mêmes tâches et en recherchant des réponses par des essais nouveaux et l’analyse de leurs effets. 

 

Les enseignants du primaire, dans leur circonscription, avec leur IEN, avec le CPC référent, avec des maitres formateurs et des enseignants formateurs des INSPE devraient pouvoir trouver dans cette utilisation des heures prévues pour l’animation pédagogique un moyen pour réfléchir à leurs pratiques, les analyser, améliorer les gestes pédagogiques qui y sont liés et approfondir leurs connaissances pour mieux comprendre les processus d’apprentissage et les difficultés qui peuvent en résulter. 

 

Les contenus de formation sont définis, dans les grandes lignes, par le « guide du plan français ». Ils renvoient à nombre de documents sur Eduscol.

Ces formations vont concerner, pour l’année 2020-2021, selon les départements, seulement les enseignants de GS et de CP, ou l’ensemble des cycles et les groupes scolaires en entier. 

Elles seront axées sur l’entrée dans l’écrit et les langages, notamment quand ne sont concernés que les GS et les CP.

Elles devront partir des questions qui se posent aux professeur.e.s des écoles dans leur classe pour faire progresser et réussir tous les élèves, donc être le plus adaptées possible aux difficultés rencontrées localement. Sans tomber dans le pointillisme.

 

Le « guide » et les documents proposés en circonscription demandent que soient renseignés des tableaux et des graphiques de façon à faire remonter les informations à l’inspection académique, puis au recteur, puis aux deux inspecteurs généraux chargés du pilotage.

Un « reporting » de ce type, comme dans une entreprise commerciale, est-il vraiment indispensable ? Un temps précieux va être consacré à ces tâches fastidieuses par les CPC et les IEN : ne pourrait-il pas être utilisé plus efficacement à d’autres tâches, notamment d’animation et d’accompagnement qui sont au cœur du dispositif ? Quand on parle de « confiance » et de « bienveillance », il nous semble paradoxal de ne pas laisser les circonscriptions s’organiser et gérer ces temps de formation.

 

Quant à la formation des CPC en charge de ce énième dossier, elle se fera APRÈS la mise en place de ces « constellations » et sur quelques heures. Est-ce vraiment raisonnable ? Et quelle formation, adossée à quelle(s) recherche(s) universitaire(s) ? 

Serait-il envisageable de redéfinir plus avant les tâches des CPC déjà débordés par de multiples dossiers et tâches administratives pour permettre un véritable accompagnement de ces « constellations » ? 

Selon les Académies, la mise en oeuvre est très différente, selon les choix faits pour le rôle des CPC, des IEN, et le temps dont ils peuvent disposer en fonction des décharges administratives. Certaines académies font le choix d'un véritable accompagnement, d'une observation par paires, quand d'autres optent pour un contrôle plus vertical et plus strict.

En outre, la mise en place du plan français est différente de celle du plan math, avec des orientations et une formation différentes, mais ils doivent malgré tout cohabiter, ce qui rend la tâche complexe, même dans les Académies qui ont fait les choix les plus favorables.

 

Par exemple, dans certaines circonscriptions (Ex : Académie de Versailles), il n’y a qu’un CPC pour gérer toutes les tâches y compris la mise en place du Plan Français et la poursuite du Plan Mathématiques, toutes deux avec un accompagnement des « constellations ».

Ce Plan s’étalerait sur 6 ans avec un sixième des enseignants formés chaque année. 

Pour une circonscription de 300 enseignants, 50 seront sur des constellations en Français et 50 autres en Mathématiques, à raison de 30h pour chacun des participants. 

Penser un véritable accompagnement des enseignants et une véritable réflexion sur les gestes professionnels à mettre en place pour développer l’enseignement du français et les connaissances à acquérir au niveau de la recherche en didactique du français semble complexe en si peu de temps !

 

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un outil mis à disposition des enseignants, qui pourrait être intéressant s’il est bien compris et bien accompagné. Même si, pour certains, ouvrir la porte de leur classe à leurs collègues qui viendront voir et analyser des pratiques n’est jamais facile, nous sommes là devant une opportunité qu’il faut saisir. 

Une véritable analyse de pratiques passe également par une formation des référents CPC à l’analyse de pratiques, la formation et l’accompagnement des professeurs des écoles. Cette formation existe au niveau universitaire, encore faut-il laisser aux CPC et aux enseignants le temps de véritablement se former !

Voilà un virage à tenir serré, qui permettra peut-être, suivant les priorités des circonscriptions, de redéfinir les missions du CPC qui tente à re-devenir un accompagnant, à remettre du pédagogique dans ses missions et non plus seulement à être affecté à des tâches administratives. 

 

 

[1] Guide pour le plan français à destination des pilotes et référents en académie : 
http://www.afef.org/system/files/2020-07/planfrancais.pdf

[2] « Une constellation » est un ensemble d’enseignants (8 à 10) d’un même niveau ou cycle et souvent regroupés par proximité géographiqueLe Plan français devrait permettre la formation de tous les professeurs des écoles (PE) sur un rythme de 6 ans sur « des problématiques adaptées aux contextes locaux ». Cette modalité de formation fondée sur les échanges entre pairs, sur un accompagnement et un renouvellement partagé des gestes professionnels des professeurs des écoles et des formateurs nécessite une véritable formation en amont des « accompagnateurs » et des apports théoriques et didactiques pour les enseignants eux-mêmes.

Soumis par   le 06 Juillet 2020