Règles d’application des recommandations orthographiques, Jacques David


Février 2016

Règles d’application des recommandations orthographiques

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Jacques DAVID

« Aucune des deux graphies [ni l’ancienne ni la nouvelle] ne peut être tenue pour fautive. »

Déclaration précédant les listes du Dictionnaire de l’Académie française (9e édition en cours de publication) dans les fascicules du Journal officiel de la République française depuis le 22 mai 1993.

Cette déclaration est essentielle car elle laisse le choix à tout rédacteur d’utiliser l’orthographe rectifiée comme l’ancienne. Encore faut-il connaitre les règles qui constituent aujourd’hui cette « nouvelle » orthographe. Celles-ci sont désormais applicables avec les derniers programmes du collège (Programme d'enseignement de français pour les classes de sixième, de cinquième, de quatrième et de troisième du collège - Arrêté du 8-7-2008 - J.O. du 5-8-2008), où il est précisé, page 2, que « Pour l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des rectifications de l’orthographe proposées par le Rapport du Conseil supérieur de la langue française, approuvées par l’Académie française (Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990). Pour l’évaluation, il tient également compte des tolérances grammaticales et orthographiques de l’arrêté du 28 décembre 1976 (Journal officiel de la République française du 9 février 1977) ».

Dans cette logique, on ne peut sanctionner dans les écrits des élèves une graphie qui a été rectifiée ou, à l’inverse, une ancienne graphie maintenue. Pour vous aider, vous trouverez dans les pages qui suivent le résumé de ces rectifications orthographiques avec les règles qui s’appliquent désormais. Vous les retrouverez dans le document officiel qui les présentent, en l’occurrence le Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990, et dans un Guide pratique (D. Béchennec & L. Sprenger-Charolles) qui les présente de façon plus argumentée, en lien avec l’enseignement de la lecture-écriture.
 

Le trait d’union et la soudure

Le trait d’union est remplacé par la soudure dans tous les composés de contr(e)- et entr(e)-, pour lesquels on poursuit l’action commencée par l’Académie en 1835, 1878 et 1935 (ex. : contrappel, entretemps sur le modèle de contrepoint, entrevue). Le trait d’union est remplacé par la soudure dans tous les composés de extra-, infra-, intra-, ultra- (ex. : extrafort sur le modèle de extraordinaire), comme les composés de en-, sur-, supra-, déjà soudés. N.B. Le trait d’union est maintenu dans les mots où la soudure engendrerait une prononciation défectueuse (ex. : extra-utérin). Le trait d’union est remplacé par la soudure dans les composés d’éléments savants, en particulier en -o (ex. : autoécole sur le modèle de radioactif). N.B. Le trait d’union est maintenu dans les noms propres et termes géographiques où il sert à marquer une relation de coordination entre les deux termes (ex. : gréco-romain). Le trait d’union est remplacé par la soudure dans les composés de formation onomatopéique ou dans des mots d’origine étrangère (ex. : bouiboui, weekend, un apriori sur le modèle de coucou…). Le trait d’union est remplacé par la soudure dans certains composés formés à l’origine d’un verbe et d’un nom, ou d’un verbe et de -tout, les composés avec basse-, mille-, haut(e)-, et quelques autres composés (ex. : croquemonsieur, mangetout, millepatte, portemonnaie, rondpoint sur le modèle de faitout, passeport, portefeuille). N.B. Ces mots étant devenus des mots simples, ils suivent la règle générale du singulier et du pluriel (ex. : un millepatte, des millepattes sur le modèle de un millefeuille, des millefeuilles).

Les numéraux composés sont systématiquement reliés par des traits d’union (ex. : vingt-et-un-mille-six-cent-deux, quatre-centième, un-million-cent). N.B. On distingue ainsi quarante-et-un tiers (41/3) de quarante et un tiers (40 + 1/3), et aussi mille-cent-vingt septièmes (1120/7) de mille-cent vingt-septièmes (1100/27), de mille cent-vingt-septièmes (1000/127), ou encore de mille-cent-vingt-septième (1127e).
 

Le pluriel

Les noms composés, avec trait d’union, formés à l’origine soit d’une forme verbale et d’un nom, soit d’une préposition et d’un nom, perçus comme des mots simples, prennent la marque du pluriel au second élément, seulement et toujours lorsqu’ils sont au pluriel (ex. : un essuie-main, des essuie-mains, un cure-ongle, des cure-ongles, un garde-meuble, des garde-meubles... (qu’il s’agisse de personnes ou de choses), un après-midi, des après-midis). N.B. La règle ne concerne pas les quelques composés dont le second élément contient un article (ex. : trompe-l’œil) ou commence par une majuscule (ex. : prie-Dieu).

Les noms empruntés à d’autres langues, dont le latin, suivent la règle générale du singulier et du pluriel des mots français (ex. : les boss, les gentlemans, les matchs, les minimas, les minimums). Exceptions : les noms ayant conservé leur valeur de citation (ex. : des requiem).
 

Les accents et le tréma

 Devant une syllabe graphique contenant un ‘e’ instable ou caduc (dit ‘e’ muet), on écrit ‘è’ et non ‘é’. Ainsi : i) on écrit évènement sur le modèle de avènement, règlementaire sur le modèle de règlement, etc. ; ii) les formes conjuguées des verbes du type céder, au futur et au conditionnel, s’écrivent avec un accent grave (ex. : elle cèderait sur le modèle de elle lèverait) ; iii) dans les inversions interrogatives, la première personne du singulier en ‘e’ suivie du pronom personnel « je » porte un accent grave (ex. : aimè-je). Exceptions, en raison de leur prononciation normée en syllabe initiale : i) les préfixes « dé- » et « pré- » (ex. : dégeler, prévenir) ; ii) les « é- » initiaux (ex. : échelon, édredon, élever) ; iii) ainsi que médecin et médecine.

L’accent circonflexe disparait sur les lettres ‘i’ et ‘u’ (ex. : nous entrainons, il parait, flute, traitre). Exceptions : le circonflexe est maintenu, pour sa fonction analogique ou distinctive, i) dans les terminaisons verbales du passé simple (ex. : nous vîmes, vous lûtes) et du subjonctif (ex. : qu’il partît, qu’il eût voulu) ; ii) dans jeûne(s), les masculins singuliers dû, mûr et sûr, et les formes de croitre qui, sinon, seraient homographes de celles de croire.

 Le tréma est déplacé sur la lettre ‘u’ qui correspond à un son dans les suites « -güe- » et « -güi- » (ex. : aigüe, ambigüe, ambigüité). N.B. Afin de corriger des prononciations jugées défectueuses, le tréma est ajouté dans quelques mots (ex. : argüer, gageüre, rongeüre).

 Pour l’accentuation (comme pour le pluriel et la soudure), les mots empruntés suivent la règle des mots français (ex. : homéo-, un imprésario).
 

Simplification des consonnes doubles

 Les formes conjuguées des verbes en « -eler » ou « -eter » s’écrivent avec un accent grave et une consonne simple devant une syllabe contenant un ‘e’ instable ou caduc (dit ‘e’ muet). Les dérivés en « -ment » de ces verbes suivent la même règle (ex. : il détèle sur le modèle de il pèle, il étiquètera sur le modèle de il achètera ; nivèlement, renouvèlement). Exceptions : appeler, jeter et leurs composés (y compris interpeler), bien implantés dans l’usage.

 Une consonne qui suit un ‘e’ instable ou caduc (dit ‘e’ muet) est simple : on écrit lunette/lunetier, dentelle/dentelier, dentelière, prunelle/prunelier, sur le modèle des séries noisette/noisetier, chamelle/chamelier. De même : interpeler, nous interpelons, etc.

 Les mots anciennement en « -olle » et les verbes anciennement en « -otter » s’écrivent avec une consonne simple, de même que leurs dérivés (ex. : girole, frisoter, frisotis). Exceptions : i) les monosyllabes colle, folle, molle, bien implantés dans l’usage ; ii) les mots de la même famille qu’un nom en -otte (ex. : botte/botter, flotte/flotter, flottement).
 

L’accord d’un participe passé

Le participe passé de laisser suivi d’un infinitif est invariable (ex. : les enfants que nous avons laissé partir sur le modèle de les enfants que nous avons fait partir, elle s’est laissé mourir sur le modèle de elle s’est fait mourir).
 

Anomalies

 Quelques familles sont réaccordées (ex. : bonhommie comme bonhomme, charriot comme charrue, chaussetrappe comme trappe, combattivité comme battre, déciller comme cil, imbécilité comme imbécile, innommé comme nommé, persiffler comme siffler, prudhommie comme homme, ventail comme vent).

Quelques anomalies sont supprimées (ex. : les participes passés absout et dissout, assoir, douçâtre ; exéma comme examen ; levreau comme agneau ; nénufar ; ognon comme pognon ; relai comme balai ; saccarine ; tocade).

Un accent est ajouté dans quelques mots, où il avait été omis ou dont la prononciation a changé (ex. : bésicles).

La finale « -illier » est remplacée par la finale « -iller » lorsque le ‘i’ qui suit les deux ‘ll’ ne s’entend pas (ex. : quincailler, serpillère). N.B. On conserve toutefois le suffixe « -illier » dans les noms d’arbres et de végétaux (ex. : groseillier).
 

Recommandations générales

D’une manière générale, il est recommandé aux auteurs de dictionnaires et aux créateurs de mots de privilégier la graphie la plus simple lorsque plusieurs formes sont en usage : la graphie sans accent circonflexe (ex. : allo), la forme en ‘n’ simple, le pluriel régulier, etc.

D’une manière générale, il est recommandé aux auteurs de dictionnaires et aux créateurs de mots de franciser, dans la mesure du possible, les mots empruntés, en les adaptant au système graphique du français (ex. : débatteur, musli), et de donner la préférence, lorsque plusieurs formes existent, à celle qui est la plus proche du français (ex. : paélia, taliatelle).

D’une manière générale, il est recommandé aux auteurs de dictionnaires et aux créateurs de mots de préférer, pour l’écriture de mots nouveaux dérivés de noms en « -an », le ‘n’ simple, et, pour les dérivés de noms en « -on », le ‘n’ simple devant ‘i’, ‘o’, ‘a’ (ex. : -onologie, -onaire, -onalisme, -onite [ex. : réunionite]).

 

 

Soumis par   le 12 Février 2016