Formation de formateurs dans le domaine de l’enseignement de la lecture et de l’écriture au cours préparatoire, Roland Goigoux


Courrier à ses étudiants et collègues

Lire en format PDF

 

Chères et chers collègues,

Voici quelques éléments de réflexion en réponse aux questions que vous m’avez adressées à la suite de la publication du guide ministériel « Pour enseigner la lecture et l'écriture au CP[1] ».

Ce texte complète la note de service[2]« Construire le parcours d’un lecteur autonome ». Il est d’inégale valeur sur le plan scientifique. 

Une partie est consacrée à un rappel des conclusions des conférences de consensus de 2003[3]et 2016, par exemple sur la nécessité d’un enseignement explicite des correspondances entre lettres et sons, dès le début du CP. Une autre partie, très contestable et non fondée sur le plan scientifique, est dédiée à l’apologie d’une méthode syllabique radicale alors que celle-ci ne devrait rester qu’une modalité parmi d’autres de cet enseignement. 

Il comporte de nombreuses contradictions, on devine une pluralité de rédacteurs. Au début, par exemple, certains valorisent la plateforme Anagraph[4]conçue pour aider les maitres à choisir les textes qu’ils donnent à lire à leurs élèves et à s’assurer que ceux-ci sont suffisamment déchiffrables. Un pari sur l’intelligence professionnelle des enseignants. Un peu plus tard, d’autres font un pari sur leur docilité et imposent une méthode qui exige que les mots lus par les élèves soient 100 % déchiffrables, c’est-à-dire exclusivement composés de graphèmes dont la valeur sonore a été préalablement enseignée. Exigence radicale infondée. Si les enseignants suivaient ces instructions, ils n’auraient le droit de faire lire et écrire la date qu’au mois de décembre, après avoir étudié le EN, le EU et le DR de jeudi et vendredi. Loin des réalités du quotidien des classes, les rédacteurs semblent oublier que les élèves de CP sortent de l’école maternelle où ils ont appris à lire et à écrire ces mots. 

Comment expliquez-vous ces contradictions ? 

La maquette de la page de couverture associe l’idée de « guide » à celle « d’école de la confiance ». Elle illustre le dilemme des rédacteurs qui tentent de concilier deux orientations contradictoires de gestion des ressources humaines : faire confiance aux professeurs et enrichir leurs connaissances grâce à une formation adossée à la recherche ou bien définir des procédures pédagogiques standardisées en s’appuyant sur un « bureau des méthodes » tout en utilisant les scientifiques comme caution. Chacun sait pourtant que les neurosciences étudient les mécanismes cognitifs d’individus isolés, pas les pratiques d’enseignement des professeurs face à une classe et qu’elles n’ont pas vocation à prescrire le travail enseignant. Ce guide, incluant une « leçon-modèle » très détaillée, laisse entrevoir un retour aux pratiques de formation des écoles normales d’instituteurs et d’institutrices dont la fonction était précisément de dire la norme. Le métier de professeur des écoles n’en sort pas grandi et ce n’est pas anodin à un moment où l’on s’interroge sur les évolutions de la formation en dissociant premier et second degré. Qui oserait imposer des leçons-modèles aux professeurs de collèges et de lycées ? 

La page de couverture annonce « un guide fondé sur la recherche ». Le conseil scientifique de l’Éducation nationale a-t-il été consulté ? 

Non. Les rédacteurs mentionnent que le guide a été relu par quelques-uns de ses membres sans préciser lesquels. Le conseil n’a pas été saisi, il a même été court-circuité, ce qui laisse planer un doute sérieux sur son utilité présente et future. Notre collègue clermontois Michel Fayol qui coordonne en son sein le groupe chargé d’étudier les manuels de lecture au CP a découvert le guide sur internet après sa publication. Cette démarche discrédite les conclusions que le CSEN devait livrer dans quelques semaines. 

Le ministre avait assuré que les recommandations seraient fondées « sur les résultats d'expérimentations et à la lumière de la recherche la plus récente ainsi que de la comparaison internationale ». Cette exigence nous réjouissait mais malheureusement elle n’a pas été respectée : aucune expérimentation n’a validé la méthode promue par le ministère et aucune comparaison internationale n’a conclu à sa supériorité.

Quel est le rôle des chercheurs ?

Le guide formule des conclusions abusives et comporte des oublis importants, par exemple sur l’écriture et la compréhension. Ses rédacteurs convertissent imprudemment de simples hypothèses de recherche en recommandations. La planification de l’étude des correspondances graphèmes-phonèmes présentée pages 55 à 61, par exemple, est fondée sur un analyse linguistique rigoureuse mais elle n’a jamais été expérimentée en classe de manière probante. Elle n’est, de surcroit, pas cohérente avec celle proposée par le manuel valorisé dans le guide quelques pages plus loin. 

Les chercheurs doivent donc mettre en garde les enseignants, les formateurs et les inspecteurs contre certaines affirmations péremptoires non étayées sur des résultats scientifiques[5], notamment sur la méthode syllabique radicale. Nos collègues des sciences de la santé en feraient autant si leur ministre recommandait un médicament avant d’en avoir testé les effets. 

La seule recherche dont dispose le ministère pour justifier son choix est celle de Jérôme Deauvieau, un sociologue membre du conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) et proche collègue des auteurs du manuel préconisé[6]. Mais cette étude présente de si graves défauts méthodologiques qu’elle n’a jamais été publiée par une revue scientifique : elle compare par exemple les performances d’élèves en fin de CP sans avoir pris soin de les évaluer au début de l’année. Elle ne permet donc pas d’affirmer la supériorité d’un manuel testé dans 5 classes sur un autre[7].

Faut-il exclure ce manuel ? 

Non, bien sûr. Il a toute sa place dans la palette des possibles. Les maitres qui l’utilisent lui trouvent des vertus et ils le complètent avec de nombreuses autres activités. 

Franck Ramus, directeur de recherches au CNRSet membre du CSEN, reconnait que la méthode syllabique radicale n’est qu’une option parmi d’autres également recommandables : « au sein des pratiques compatibles [avec les données scientifiques] le ministère a fait son choix d’en recommander une particulière. C’est son droit le plus strict[8] ». Je partage la première partie de son raisonnement mais pas la seconde. Si d’autres options didactiques que celle préconisée par le guide sont fondées, les disqualifier et imposer une méthode unique est un abus de pouvoir.  

Un consensus entre chercheurs existe-t-il ?

Oui. Il porte notamment sur la nécessité d’un enseignement explicite des correspondances graphèmes-phonèmes, d’un entrainement au déchiffrage et à la lecture à haute voix et sur l’importance des activités d’écriture. Mais la méthode syllabique n’a pas le monopole de la concrétisation de ces exigences. Les études étrangères dont nous disposons ne portent pas sur des méthodes aussi radicales que celle promue par le ministère : aucune n’exige que l’écrit soit 100 % déchiffrable ou n’exclut que les élèves tâtonnent face à un mot nouveau. L’argumentaire développé pages 27 à 32 n’est pas fondé et conduirait à des pratiques inadéquates. « Ne jamais proposer des mots qui ne contiennent pas le graphème de la leçon du jour et de toutes les leçons précédentes » (p. 32) obligerait, par exemple, les enseignants à supprimer de leurs affichages muraux à peu près tout ce qui s’y trouve aujourd’hui.  Les interdictions de faire mémoriser des mots entiers, de procéder par analogie et de prendre appui sur le contexte conduiraient les maitres à brider la curiosité et le raisonnement de leurs élèves, c’est-à-dire à faire le contraire de ce que les sciences cognitives recommandent unanimement. Il aurait été si simple d’en rester à une mise en garde des enseignants contre les outrances d’un enseignement pseudo-constructiviste et de leur proposer de meilleurs dosages entre activités.

Pourquoi ce choix ?

La direction de « L’instruction publique et de l’action pédagogique » coordonnée par Yves Cristofari ancien membre du cabinet de Gilles de Robien a choisi de cliver plutôt que de renforcer les consensus établis par les conférences du CNESCO sur la lecture et sur l’écriture. En sciences politiques, on parle à ce sujet de stratégie disruptive relayée par une intense communication médiatique. 

Tout se passe comme si le ministère jugeait que trop d’enseignants n’accordent encore pas assez d’importance au déchiffrage et qu’il fallait leur adresser un message fort. Autrement dit, pousser le bouchon très loin pour obtenir un déplacement modéré mais significatif des pratiques professionnelles. Cette stratégie nous semble contestable car elle fragilise l’ensemble de la profession aux yeux de l’opinion publique. Notre connaissance du terrain scolaire et les observations à grande échelle des soixante universitaires qui composent notre groupe à l’Institut français de l’Éducation nous incitent à penser que seule une minorité d’enseignants a besoin d’être alertée sur ses choix pédagogiques et que l’imposition d’une méthode aussi caricaturale n’est pas un bon moyen pour l’aider à évoluer. 

La liberté pédagogique est-elle remise en cause ?

Jean-Michel Blanquer s’en défend tout en laissant planer le doute sur la pression que les inspecteurs de l’Éducation nationale pourraient faire peser sur les professeurs des écoles. Le ministre réfute l’idée d’homogénéiser les pratiques et propose seulement de créer une référence commune : « bien des manières de faire sont possibles […], j’ai une grande confiance dans l’action des professeurs ». Il est donc trop tôt pour savoir si ce guide sera une ressource à la disposition des enseignants (comme Eduscol), une simple recommandation ou une prescription forte. Tout dépendra des consignes que les recteurs et les DASEN donneront aux équipes de circonscription. Les tensions seront évitées si leur définition de la liberté pédagogique s’approche de celle formulée en 2008 sous la houlette de Xavier Darcos : l’État fixe les objectifs, les professeurs restent libres de choisir les moyens pour les atteindre. « Les programmes nationaux de l’école primaire définissent pour chaque domaine d’enseignement les connaissances et compétences à atteindre dans le cadre des cycles ; ils indiquent des repères annuels pour organiser la progressivité des apprentissages en français et en mathématiques. Ils laissent cependant libre le choix des méthodes et des démarches, témoignant ainsi de la confiance accordée aux maîtres pour une mise en œuvre adaptée aux élèves. La liberté pédagogique induit une responsabilité : son exercice suppose des capacités de réflexion sur les pratiques et leurs effets. Elle implique aussi, pour les maîtres, l’obligation de s’assurer et de rendre compte régulièrement des acquis des élèves. »[9]

Dans une interview au Parisien le 25 avril, Jean-Michel Blanquer indique que les inspecteurs sont « aux côtés des enseignants » (pas au-dessus !) mais ajoute aussitôt que certains d’entre eux regrettaient de ne pas pouvoir intervenir quand ils constataient de « mauvaises pratiques ». Le guide aurait donc pour fonction de leur donner des arguments pour dialoguer… ou pour être plus coercitifs. 

Quelles seront les pratiques jugées « mauvaises » ? 

C’est bien la question ! Si les inspecteurs de l’Éducation nationale n’agissent pas avec discernement en observant les pratiques en classe et s’ils en restent au seul critère du choix de manuel, on peut craindre que de nombreux professeurs soient inquiétés, notamment ceux qui utilisent des manuels non étroitement syllabiques et ceux qui n’utilisent pas de manuel. Ce serait un terrible gâchis : fragiliser une majorité d’enseignants qui travaillent sérieusement pour aider une infime minorité à remettre un peu d’ordre dans leur méthodologie. 

Espérons, par exemple, que les inspecteurs n’imposeront pas à tous la caricaturale « leçon-modèle » décrite avec force détails pages 65 à 74 du guide et extraite du manuel « Je lis, j’écris ». Comment pourraient-ils défendre que les élèves accèdent au plaisir de la lecture en enchainant des leçons construites sur les énoncés suivants ? Leçon 5 : Lassé Issa s’assit. Il salua Ulysse. 6 : Assis sur le sol Élie a réussi à lire. Il rassure Lola. 7 : Une nuit, la lune a lui sur la rue. La sirène a sonné à l’arsenal. 9 : L’ours Raoul a roulé sous le lit. La lune rousse, sur l’allée, sourit et nous rassure. 10 : Une sole séchée allèche la souris… Ces énoncés illustrent les conséquences néfastes de l’un des principes de la méthode syllabique radicale. N’utiliser que des mots entièrement déchiffrables oblige les auteurs de manuels à juxtaposer des énoncés sans aucune cohérence textuelle et mobilisant un lexique rare. Ce principe les prive de pouvoir utiliser des mots très fréquents, le verbe être, des pronoms (elle, qui…), bon nombre de connecteurs, les prénoms des élèves de la classe (s’ils n’ont pas la chance de s’appeler Léo, Lili, Lilou, Lola, Raoul, Ulysse ou Ursule comme dans le manuel), etc. Exit aussi le recours à la littérature de jeunesse.  

Les recommandations du guide n’ont pas force de loi mais il faudra que les enseignants soient solides et solidaires pour conserver leur autonomie et éviter qu’une sole séchée allèche la souris. D’autant plus que lacommunication médiatique du ministère a aussi pour objectif de donner aux parents d’élèves les moyens de faire directement pression sur eux.  

Est-ce que les résultats de l’étude Lire-Écrire au CP[10] ont été pris en compte dans ce guide ? 

Oui, mais pour partie seulement. Les rédacteurs citent à huit reprises cette étude qui a donné lieu à une vingtaine de publications scientifiques (cf. le volume n° 196 de la Revue française de pédagogie). Malheureusement, ils ne mentionnent notre travail que lorsque nos conclusions vont dans leur sens[11]. Dans le cas contraire, ils les passent sous silence. Nous avons montré, par exemple, que les professeurs des écoles qui utilisaient un manuel syllabique n’avaient pas de meilleurs résultats que les autres enseignants expérimentés. Et qu’il n’y avait pas non plus de différence significative avec ceux qui enseignaient sans manuel, toutes choses égales par ailleurs. Parmi les 18 enseignants les plus efficaces dans le domaine de la maitrise du code alphabétique, c’est-à-dire parmi ceux qui faisaient le plus progresser leurs élèves (différence significative au sein d’un échantillon de 131 enseignants expérimentés), on en trouvait 2 utilisant un manuel syllabique, 1 un manuel phonique, 8 un manuel que le ministère qualifierait de « mixte » et 7 sans manuel. Ces derniers (15 sur 18),aujourd’hui félicités par leur hiérarchie, seront-ils demain fragilisés et disqualifiés aux yeux des parents d’élèves ?

Toutes les pratiques pédagogiques ne se valent pas, c’est vrai, mais la variable « méthode » (ou manuel) est une variable trop grossière pour expliquer les différences d’efficacité. Notre étude a permis d’identifier une dizaine de critères permettant de caractériser les pratiques efficaces, ceux-ci ne sont pas l’apanage d’une méthode ou d’un manuel particulier.  

Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Madame Martin était titulaire d’une classe de cours préparatoire dans l’école de son quartier depuis dix ans. Ses élèves venaient en classe avec plaisir et tous, chaque année, réussissaient. Les maitres de CE1 se réjouissaient de les accueillir l’année suivante car ils étaient d’excellents lecteurs et scripteurs. Les parents usaient de tous les stratagèmes pour que la directrice de l’école inscrive leur enfant dans sa classe bien que madame Martin n’utilise plus de manuel depuis plusieurs années. L’inspecteur de l’Éducation nationale soulignant son efficacité et son respect des programmes en vigueur lui avait attribué une excellente note pédagogique. 

Nous avons évalué les progrès de ses élèves, ils étaient très nettement supérieurs à ceux de la moyenne de notre échantillon. L’efficacité de son enseignement tenait pour beaucoup à l’importance et au soin qu’elle accordait aux tâches d’écriture : la calligraphie, la copie après disparition du modèle, la dictée, les essais d’écriture et la production de textes. Dès la rentrée, les élèves étaient incités à encoder eux-mêmes de multiples messages ou des légendes qui accompagnaient leurs dessins. La maitresse les encourageait dans leurs tâtonnements et leur apportait des aides immédiates pour rectifier leur orthographe balbutiante. Si l’on suivait le guide ministériel, ces pratiques ne devraient plus avoir cours. Les rédacteurs valorisent en effet la calligraphie, la copie et la dictée de mots que les enfants ont appris à déchiffrer mais proscrivent tout essai d’écriture autonome et tout tâtonnement, contredisant en cela le programme en vigueur. Ils semblent méconnaitre les recherches qui attestent du bien-fondé de ces techniques « d’écritures approchées » (cf. la conférence de consensus sur l’écriture et les documents ministériels d’EDUSCOL). Bref, ils disqualifient injustement le travail de madame Martin. 

Celle-ci nous a informés que les parents de ses futurs élèves viennent de lui demander si, à la rentrée 2018, elle utiliserait bien un manuel labélisé par l’Éducation nationale. 

Les pratiques des maitres efficaces ont-elles des caractéristiques communes ?

Ils sont déterminés et confiants dans les capacités de leurs élèves. Dans les classes des maitres « efficaces » que nous avons observés, la pédagogie est active, le climat de classe est serein, propice aux apprentissages d’élèves fortement engagés dans les tâches proposées. Les procédures cognitives mobilisées sont explicitées avant, pendant et après leur utilisation. La planification de l’étude du code est réalisée sur un rythme soutenu et les textes soumis aux lectures collectives puis individuelles sont suffisamment déchiffrables (75 % environ des graphèmes ont été préalablement étudiés). L’écriture sous toutes ses formes joue un rôle capital. La lecture à haute voix est fréquente et variée, la fréquentation de la littérature de jeunesse est régulière tout au long de l’année. Dans ces classes, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture est considéré comme une aventure intellectuelle passionnante qui sollicite et stimule l’intelligence et le raisonnement enfantins. Les élèves sont incités en particulier à chercher à comprendre les liens qui unissent l’écrit et l’oral, la lecture et l’écriture. Ils raisonnent sur des faits de langue comme la ponctuation ou les accords en genre et en nombre. Au début du cours préparatoire, les enseignants incitent leurs élèves à faire feu de tout bois pour identifier les mots, à évaluer la qualité de leur déchiffrage en prenant appui sur le contexte et à procéder par analogie pour décoder et pour encoder des mots. L’énoncé que nous avons le plus souvent entendu dans la bouche des élèves de ces classes est : « c’est comme dans … ». Par exemple lorsqu’ils remarquent que lundi, mardi et jeudi se terminent par la même syllabe orale et par les mêmes lettres pour en déduire que D-I fait [di]. Ou qu’ils entendent [Ã] au début du prénom d’Antoine et à la fin de « dans » avant de déduire de la comparaison des mots écrits quelles lettres transcrivent ce phonème. L’analyse et la déduction, guidées étroitement par l’enseignant, n’ont rien à voir avec le « jeu de devinette » auquel le guide associe les approches analytiques qu’il caricature et disqualifie. 

Que pensez-vous du dernier chapitre consacré aux difficultés en lecture ?

Il est important car une transformation profonde du traitement pédagogique des difficultés d’apprentissage y est exposée. 

Dans un premier temps, les maitres de CP devront administrer à leurs élèves une batterie de tests normalisés (selon les standards psychométriques) pour évaluer diverses compétences. Les résultats permettront de repérer ceux dont les performances se situent au-dessous d’un seuil jugé critique, une sorte de seuil d’alerte. Sans attendre que leurs difficultés se transforment en échecs, ces élèves auront droit à une remédiation ciblée et les enseignants auront le devoir de la mettre en place, bloc de compétences par bloc de compétences. Il est d’ailleurs probable que le ministère proposera des outils permettant de mettre en œuvre cette remédiation organisée par groupes de niveau (« élèves à profils similaires ou proches »). Les progrès de chacun seront réévalués tous les deux mois.

Dans ce type de prise en charge largement inspiré des modèles américains « Tiered approach » ou québéquois « Réponse à l’intervention », les élèves en difficulté détectés selon des normes externes à la classe bénéficient de plus de temps d’enseignement que leurs camarades. 

Le texte ne précise pas quelles modalités d’organisation pédagogique seront recommandées mais trois options sont envisageables. 1) Les enseignants pourraient organiser des temps d’ateliers dirigés réservés à ces élèves pendant que les autres travailleraient en autonomie ; le risque pour les professeurs serait de passer plus de temps à remédier qu’à enseigner. 2) Ils pourraient aussi bénéficier de l’aide des enseignants spécialisés à l’issue d’une réorganisation profonde des missions des réseaux d’aide ; cette option ne s’accompagnerait pas cependant d’une augmentation de la durée de l’enseignement. 3) Ils pourraient enfin réactiver le dispositif d’aide personnalisée[12]de 2008 afin d’offrir les 25eet 26eheures de classe à certains élèves et donner ainsi « plus à ceux qui ont le moins » ; ce serait la solution la plus cohérente. Rien ne semble encore arrêté sur ce point.

Cordialement,

Roland Goigoux 

(9 mai 2018)

 

 

 



[3]Par exemple le schéma de synthèse de la page 39 du guide

[6]« Je lis, j’écris » de Reichstadt, Terrail et Krick, Éditions des lettres bleues

[8]Frank Ramus sur Facebook, le 27 avril 2018

[11]Nous contestons cependant que nos résultats de recherche (par exemple sur le tempo de l’étude des correspondances graphophonémiques) soient transformés en normes prescriptives ; la transposition n’est pas rigoureuse en isolant un seul paramètre. 

Soumis par   le 11 mai 2018