« Lire-écrire à l’école primaire »


Journée inter académique du 1er juillet 2015, Site universitaire de Gennevilliers

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Lire-écrire à l'école primaire 

Journée inter académique du 1er juillet 2015, 
Site universitaire de Gennevilliers

Billet de Joëlle Thebault

 

Lors de cette journée, plusieurs chercheurs ont communiqué une première synthèse des travaux de leur groupe, dont Roland Goigoux, qui dirige la recherche : « Étude de l’influence des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des premiers apprentissages ». Ce « rapport d’étape », dont on peut consulter sur le site de l’AFEF un compte-rendu détaillé, était destiné aux enseignants, formateurs, inspecteurs ayant participé à la recherche, les uns en ouvrant leur classe, les autres en pratiquant les observations nécessitées par le projet (film, minutage et codage des tâches observées, en se référant à une grille d’indexation très précise).

Durant l’année scolaire 2013-2014, 131 classes de CP ont été étudiées.  Les performances de 2 507 élèves ont été évaluées au début et à la fin de l’année dans tous les domaines impliqués dans l’apprentissage du lire-écrire. Trois semaines de cours de français ont été filmées, constituant un   corpus de 3000 heures de vidéo indexées : c’est une mine pour bien des recherches à venir.

Des travaux statistiques ont permis de prendre connaissance du temps réel consacré à ces apprentissages selon les classes, de la répartition de ce temps dans les divers domaines concernés, et de mesurer précisément non seulement  les écarts dans les résultats des élèves, mais la « valeur ajoutée » par l’école. Les chercheurs ont en effet pu repérer les classes où, « toutes choses égales par ailleurs », les élèves progressaient davantage, ou au contraire moins qu’on aurait pu s’y attendre au vu des « variables élèves » : milieu socioprofessionnel de la famille, langues parlées à la maison, redoublement, etc.

Cela a été dit clairement plusieurs fois : au regard des attentes suscitées par le projet, certains ont pu être déçus par les limites des conclusions qu’il est possible d’en tirer pour l’instant. L’exploitation des données ne fait que commencer, puisque, la phase quantitative terminée, le travail va porter sur les aspects qualitatifs. Il y aura certainement beaucoup d’autres informations à en tirer lorsque les nouvelles hypothèses auront été étudiées. 

Nous estimons néanmoins qu’un certain nombre de points sont acquis, et qu’ils ne sont pas négligeables. Ainsi, l’impact  du manuel utilisé est négligeable ! Ces constats devraient permettre d’écarter certaines affirmations hâtives, justement très médiatisées. Le fait même que des hypothèses fortes soient écartées (par exemple l’incidence du tempo adopté pour l’introduction des correspondances phonème-graphème en début d’année) est un point d’appui pour la réflexion. Cela tranche, par ailleurs, avec les enquêtes portant sur des éléments purement déclaratifs, ou des « études[1] » qui prétendaient démontrer l’excellence d’une méthode en évaluant les élèves en fin d’année sans avoir pratiqué d’évaluation initiale…

A contrario, des aspects de l’apprentissage que l’on ne mettait pas au premier plan (le rôle de l’étude de la langue, par exemple) ressortent, ce qui fait naitre de nouvelles hypothèses. Cette richesse tient à la méthodologie adoptée : au lieu du cadre expérimental classique (on vérifie une hypothèse en comparant les résultats d’un groupe outillé à un autre qui ne l’est pas), on est parti du postulat selon lequel il est possible d’apprendre de la variété, en observant les pratiques ordinaires.

Une chose est certaine : il n’y a pas de moyen simple d’enseigner à tous les élèves la lecture et l’écriture « à coup sûr ». Toutes choses égales par ailleurs, le fait d’utiliser tel ou tel type de manuel, de se référer à une méthode syllabique ou intégrative, d’utiliser une entrée phonique ou une entrée graphémique n’a aucun impact… Les enseignants observés avaient en commun une certaine maturité dans le métier,  une certaine confiance dans leur efficacité en même temps qu’ils s’interrogeaient sur leurs pratiques, tout en ayant des styles d’enseignement très différents. Qu’on en soit ou non satisfait, la preuve est faite que ces variations n’ont aucune incidence sur les résultats de la majorité des élèves. Des maitres aux styles très différents ont statistiquement une efficacité voisine. De plus, la moitié des différences observées en fin d’année scolaire est corrélée aux caractéristiques initiales de la situation des élèves.

Il serait regrettable néanmoins d’en conclure trop vite que tout se vaut, et qu’il est inutile de pousser plus loin la réflexion didactique. Au contraire, l’enquête montre  que l’école joue un rôle compensatoire très inégal selon les domaines (important dans le domaine de l’écriture, faible dans le domaine de la compréhension, par exemple). De plus, des choix pédagogiques sans incidence notable sur la majorité des élèves peuvent au contraire jouer un rôle nettement positif ou négatif  pour les élèves rencontrant des difficultés en début d’année. C’est une observation plus fine, qualitative,  des  pratiques observées qui permettra d’aller plus loin et de déboucher peut-être sur des recommandations didactiques.

Beaucoup de questions restent donc en suspens. Certaines seront éclairées par l’évaluation des mêmes élèves en fin de CE1 (traitement en cours), et surtout par l’énorme travail d’investigation sur des aspects qualitatifs. Le rapport qui sera présenté en septembre au niveau national débouchera sur une publication officielle : le site de l’Ifé portera les résultats de l’enquête à la connaissance de tous en décembre 2015.

Soumis par   le 06 Juillet 2015